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Le certificat d'études

Voyez ! C'est le fils qui nous écrit. II a eu son Certificat d'Etudes Primaire. C'est quand même beau l'instruction! Il pourra peut-être devenir employé des postes ou même cheminot... ».

On n'était pas peu fiers en effet à la maison, lorsque le fiston se voyait décerné le tant redouté CEP. Cet examen était la conclusion d'un cycle scolaire entamé depuis la classe enfantine jusqu'à ses treize ans. Ce fut la gloire de l'école de Jules Ferry. Dans les campagnes d'alors, il marquait aussi, bien souvent, la fin des études pour la grande majorité des enfants. Le certificat d'étude était un véritable brevet citoyen, un parchemin certifié, un vrai diplôme.

Pour les maîtres, le nombre d'élèves reçus au certificat était une sorte de gloire. Chacun d'eux espérait au moins avoir une fois dans sa carrière le premier du canton. C'était la preuve que l'enseignement reçu avait été de qualité, que le candidat maîtrisait l'orthographe, qu'il pouvait écrire une lettre correcte, qu'il connaissait les départements et les préfectures, les dates de l'histoire. L'année du certificat d'études, les candidats au terrible examen, sélectionnés par l'instituteur en fonction de leurs chances de réussite, subissaient même un régime spécial. Chaque soir, alors que les autres écoliers reprenaient le chemin de la maison, ils restaient à l'étude du soir pour leur dictée et problèmes quotidiens. Cet entraînement intensif donnait de bons résultats. L'honneur du maître était en jeu. C'est pourquoi il se gardait bien de présenter les élèves dont il n'était pas sûr, ceux qui peinaient trop. Tant pis pour l'égalité des chances !

Au fur et à mesure que la date fatidique approchait, la tension montait. Les candidats, conscients de l'enjeu, rabâchaient les départements et leurs chefs-lieux, révisaient les récitations, s’appliquaient à accorder les sujets avec les verbes. Les parents, qui attendaient le diplôme, dispensaient leur progéniture des travaux des champs en ce mois de juin prometteur. Puis le grand jour arrivait : jambes tremblantes, estomacs noués, serrés dans les habits du dimanche, les candidats retrouvaient leur instituteur devant l'école. Le certificat se passait toujours au chef lieu de canton. Les élèves ne pipaient pas un mot tout au long du trajet. Un inspecteur faisait l'appel et chacun était confronté à la terrible épreuve. Les uns perdaient leurs moyens, affolés par l'inhabituel, les autres se rassuraient dès les premières lignes de la dictée si semblable à celle du maître et des problèmes de calcul. L'après-midi était consacré à l'épreuve d'histoire et de géographie et on se demandait qui sortirait de la récitation ou du chant tiré au sort. A l'heure fatidique des résultats, les candidats s'agglutinaient autour de l'inspecteur qui détenait sur sa liste, le nom des heureux élus. Le silence se faisait naturellement. Les maîtres étaient aussi tendus que leurs élèves. Puis le verdict tombait à peine troublé d'un cri étouffé qui exprimait la joie et le soulagement. Ceux qui n'étaient pas encore nommés s'inquiétaient sérieusement, craignant d'être recalés. Et quand l'inspecteur s'arrêtait, on voyait quelques visages graves et déçus ou des larmes furtivement essuyées. Le maître félicitait les élèves reçus, consolait ceux qui avaient échoué. Si l'enfant avait été reçu premier du canton, le retour au village était triomphal. Parents, instituteur, voisins, fêteraient l'événement, quelquefois même au café du bourg. Le diplôme était ensuite encadré et placé pendant de longues années sur la cheminée où dans la chambre de l'enfant. Passer le certificat était tout une atmosphère. Celle d'un rite de passage et un passeport pour la vie active. Personne n'oubliera combien l'enseignement que recevaient les petits Poyaudins était pragmatique et utile. Il demeure pour de nombreux anciens un de leurs plus beaux souvenirs.

 

Jean-Claude TSAVDARIS
AUTREFOIS l'ECOLE EN PUISAYE
Edité en 2004


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