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La rivière


La baignade sur l'Yonne, à Bassou
Quand Papa revint du jardin en ce beau dimanche matin de juillet, il avait tellement sué, tellement travaillé depuis l’aube, qu'il proposa à tous d'aller prendre un bain dans la rivière. C'était son habitude en cette saison et nous n'attendions que cela. En un clin d'oeil nous nous trouvions tous les six à glisser dans l'eau si bonne, puisque nous demeurions à une cinquantaine de mètres de là. René-Jean et Pierrot, les deux aînés, évoluaient auprès de nos parents dont chacun se chargeait sur son dos de ma soeur ou de moi qui ne savions pas encore nager. Ainsi on allait et venait, portés par cette eau si délicieuse, bercés par les mouvements mesurés de la natation et son clapotis léger. La joie de mes frères se livrant à des ébats dignes de jeunes chiens et le sourire de nos parents qui goûtaient tant le plaisir de moments

si simples me procuraient un égal sentiment de bonheur. Aussi, très vite, la rivière devenait pour nous ses jeunes riverains, une compagne familière et plaisante.
La rivière! Nous apprenions à l'école qu'elle nous venait du Morvan, mais pour nous elle commençait seulement au barrage de Bassou et finissait au Pylône, bien avant l'écluse de la Gravière à Charmoy. Cet univers aquatique si apprécié ne représentait donc qu'un demi-bief dans la réalité, mais pour nous tous c'était tout un monde, tour à tour théâtre des loisirs les plus divers, voie navigable fréquentée, abreuvoir de nombreux troupeaux, lavoir de maintes mères de famille et au moins pour moi, un monde aux mille mystères.

Tombant bouillonnante du barrage de Bassou en un fracas assourdissant, elle s'apaise vite après ses premiers soubresauts écumeux. Large à ce moment de son cours, elle va entre ses deux rives assez hautes. Tout de suite elle est rejointe par le Serein qui termine ici en beauté son voyage en y mêlant ses eaux juste après avoir coulé sous un har­monieux pont de pierres blanches à trois arches, qui lui fait comme une couronne. Elle continue, bien sage entre les deux chemins qui la longent, parfois saluée par quelques grands aulnes ou saules qui rafraîchissent de leur ombre, quelques bancs de nénuphars. Elle perçoit très vite alors les cris des jeunes enfants qui jouent à la baignade et ravit en passant les baigneurs de sa fraîche caresse. Les premières maisons du pays ou de Bonnard montrent alors leurs beaux toits rouges derrière les grandes frondaisons des acacias ; les barques du cercle local des pêcheurs du nom, on ne peut plus spirituel, des « Bigleux de la touche » jettent leurs formes colorées dans cette eau bleue et verte. Soudain, majestueux, se dresse le superbe pont suspendu, espèce de dentelle métallique tendue d'un bord à l'autre. Elle passe dessous en mille reflets chatoyants, y salue quelques lavan­dières, s'égaye des amusements des baigneurs de l'autre plage, celle de Bonnard et s'incline respectueusement en passant près de l'immense peuplier que tout le monde, à l'époque, admire dans le pré de la famille Genévrier. Là, juste en face, derrière les graciles iris jaunes, elle pouvait voir un groupe de maisons, juste en bas de la rue de l'Abreuvoir. Il y avait la nôtre avec sa terrasse tournée vers elle. Les deux splendides dragons indochinois scellés de chaque côté du portail de chez monsieur Moulin la regar­dent fixement. Puis c'est un joli méandre qui commence niveau du restaurant « Les Tilleuls », d'une ancienne menuiserie et du beau mur plein du Château derrière lequel on peut deviner la beauté du parc, par les cimes très hautes des arbres qui le composent. Ce mur supporte un charmant petit abri avec un banc, sous lequel les prome­neurs peuvent goûter le calme et la sérénité de l'endroit. Un nouveau coude, le Pylône d'un côté, la ferme à Colombet et la maison hantée de l'autre, puis la rivière nous quitte, guidée par le chemin de halage et emportant souvent avec elle nos pensées vagabondes.

Quelquefois des mouettes sont aperçues à cet endroit­-là, c'est que la mer n'est plus loin... !

Le pont suspendu était une véritable « vedette ». Sa haute silhouette se détachait sur le ciel, curieux effet de légèreté de ce qui n'était pourtant que métal. D'un seul jet il franchissait la rivière comme planant au-dessus d'elle, la laissant entièrement libre dans son cours. Avec ses quatre pylônes si hauts et leurs haubans, les suspentes et les imposants ancrages, il avait l'air d'un grand navire. Il dominait côté Bassou, une rive qui gagnait l'eau en pente douce ce qui faisait de l'endroit à la fois un abreuvoir pour les vaches de la ferme Saffroy voisine et un lavoir. Un peu plus en aval on trouvait ce que nous appelions le «Jeu de boules » en raison des nombreux boulodromes qui y avaient été aménagés du temps où le village s'était forgé une solide réputation en matière de « lyonnaise », sport que nous pratiquions encore beaucoup, aux côtés de Jean-Pierre Mazière, excellent niveau national. Côté Bonnard, il découvrait surtout la baignade dont il consti­tuait une attraction quand, de temps à autre, il servait de grand plongeoir à des baigneurs en recherche d'émotions fortes. D'un gris soutenu, il se confondait les jours de mauvais temps, avec le ciel et la rivière tout aussi sombres. Mais dès que le temps était meilleur, il produisait le plus bel effet par le contraste de ses fines nervures sur le bleu du ciel et les vertes frondaisons, tandis que son reflet dans l'eau le transfor­mait en une ondulation argentée.

Il avait néanmoins deux inconvénients résultant de sa structure. La chaussée, quant à elle, était en gros madriers de bois de même que les deux trottoirs. La solidité s'en ressentait et on avait dû limiter le tonnage autorisé après qu'un camion l'eût endommagé du fait de sa trop vive allure. Aussi beaucoup de lourdes marchandises devaient-elles transiter par Migennes pour passer de Bassou à Bonnard ou vice versa ! L'autre inconvénient provenait du bruit excessif que le roulement des véhicules produisait sur ces madriers aux joints grossiers. Du côté de Bonnard, juste avant l'accès au pont, sur la droite, se situait une maisonnette, assez sommairement construite. C'était l'ancienne maison des gardiens du pont. Il me semble que les occupants d'alors avaient encore cette fonction.

En 1967, lorsque les démolisseurs s'attaquèrent à ce bel ouvrage pour le remplacer par un plus moderne et plus solide, nous ne savions pas que c'était, non pas une simple page, mais un chapitre entier de l'histoire de notre village qui se tournait. Ce beau navire qu'il était pour moi, a alors déployé ses voiles pour gagner le grand port de mes souvenirs d'enfance.

Chercher la brouette, y installer la planche à laver et le tréteau sur la partie avant, le garde genoux sur les brancards avec le battoir dedans et le gros savon Persavon dans son petit logement sur le côté et réserver au milieu la place de lessiveuse. C'était le jour de la lessive à la rivière.

Une ou deux fois par semaine, elles étaient plusieurs mères de famille à se retrouver à l'Abreuvoir. L'accès y étant aisé. L'endroit servait aussi aux laveuses qui pouvaient s'y installer à trois ou quatre à la fois. Maman allait là faire sa lessive puisque c'était à deux pas de chez nous. D'autres laveuses étaient des habituées d'un autre lieu, en amont, juste au pied du pont. En effet, selon le quartier où ces femmes habitaient, elles se rendaient au plus près de chez elles car les lessiveuses et le matériel, même sur une brouette, représentaient une charge importante. Il y avait enfin les adeptes du lavoir.

Au moins durant la belle saison, on pouvait les voir tous les jours s'activer mais, selon les affinités ou les inimitiés, chacune avait son jour de préférence. La lessive était un temps très fort des relations entre les femmes et elles profi­taient du moment pour partager soucis ou joies, prendre ou donner conseil et échanger sur les derniers événements du village ou de l'actualité. Aussi, nous qui demeurions tout en bas de la rue de l'Abreuvoir, nous assistions aux allers et venues des unes et des autres avec leurs lourdes brouettes, les posant de temps en temps pour faire récupérer leurs membres engourdis par l'effort.

Quelques heures avant, il avait fallu préparer la lessi­veuse. Cela consistait à y placer le linge sale, ajouter de l'eau, l'eau de Javel et monter tout cela sur la cuisinière pour faire bouillir. Le bruit de ce bouillonnement et l'odeur de l'eau de Javel qui se répandait dans toute la maison et même au dehors suffisaient à indiquer que c'était jour de lessive ! Le moment venu nous aidions maman à descendre la lessiveuse, délicate opération, et, à tour de rôle, nous roulions le tout à l'abreuvoir tout proche.

Les différents ustensiles descendus près de l'eau, c'est maman elle-même qui s'appliquait à bien caler planche et garde-genoux avec des grosses pierres. De la précision de cette opération dépendait que la laveuse se fatigue le moins possible, qu'elle économise ses reins et ses genoux mis à rude épreuve ou simplement qu'elle ne glisse et ne tombe à l'eau ! Laver le linge dans ces conditions était extrêmement fatigant et cela explique que nous accordions la plus grande importance au maintien de nos habits dans un état de propreté acceptable le plus longtemps possible. Malgré tous les efforts faits dans ce sens, il faut noter que de quelque milieu que l'on soit, les tenues n'étaient pas aussi soignées qu'aujourd'hui.

Une fois tous ces préparatifs accomplis, la lessiveuse placée à portée de main pour y tirer aisément le linge, le lavage pouvait commencer vraiment. Savonnage, brossage, rinçage, essorage avec le battoir, étendage provisoire sur le tréteau, toutes ces étapes se succédaient, avec plus ou moins de difficulté selon qu'il s'agissait d'un mouchoir ou d'un drap. Ce faisant, elles parlaient de choses et d'autres, s'arrêtant parfois pour mieux exposer un sujet requérant une attention plus soutenue, pauses qui avait l'insigne avantage de les reposer. L'ensemble de ces femmes pleines de vigueur dont les bras nus allaient et venaient, les arabesques qu'elles décrivaient dans l'eau lorsqu'elles rinçaient, les multiples ondulations irisées de savon que cela provoquait, les bruits simultanés de la brosse ou du battoir, tout cela causait un charmant charivari d'où émanait une fraîcheur et un bien-être qui faisaient envie aux promeneurs, pêcheurs, voisins ou mariniers.

Tout n'allait pas toujours si bien et cela pouvait tourner à la tragi-comédie quand une péniche automotrice passait sans que le capitaine, par insouciance ou pure plaisanterie, ne coupe suffisamment sa vitesse. La vague alors créée avait une telle intensité qu'elle culbutait et emportait planche à laver, garde genoux, linge et brosse. Il fallait alors les voir, obligées de se mettre à l'eau pour récupérer tout leur matériel pendant qu'il en était encore temps. Le capitaine, goguenard, n’oubliait pas de donner quelques coups de corne de brume qui déclenchaient les «remerciements » que l'on devine des pataugeantes laveuses ! Et nous, leurs enfants, n'étions pas les derniers à bien nous en amuser, lorsque, justement, nous passions par-là ! Très rapidement, l'ordre retrouvé, elles reprenaient leur travail et leur bonne humeur.

L'après-midi était déjà bien avancé quand la tâche était accomplie. Le linge propre sentant si bon le savon, était replacé dans la lessiveuse, la brouette rechargée, chacune aidant l'autre; on échangeait une dernière parole et l'on rentrait chez soi. II allait falloir encore étendre tout cela sur le fil dont étaient équipées toutes les cours des maisons de campagne. Enfin, elles prendraient le temps de s'étirer pour soulager leur dos tellement sollicité ou replacer une mèche de leurs cheveux, bien maladroitement, de leurs doigts bouffis. Et il y aurait encore à préparer le repas du soir pour toute leur maisonnée.

Femmes de faible condition mais si grandes et si nobles par leur courage et leur abnégation face à toutes les charges familiales.

La rivière était en ce juste après-guerre, un important moyen de transport. Il ne s'écoulait pas une journée sans que plusieurs bateaux ne passent dans les deux sens. La période hivernale marquait une pause, la vigueur du flot rendant le parcours difficile et dangereux. Le bois, le sable, la pierre de construction, le blé, le vin, les produits pétroliers étaient les cargaisons habituelles.

Etaient-elles belles ces péniches automotrices de l'Union Normande, de la Shell ou Esso avec leurs couleurs vives et leur système de tuyauteries et de pompes impeccablement entretenues! Quand elles remontaient vers Auxerre, elles étaient enfoncées dans l'eau par leur charge et alors nous pouvions parfaitement voir le pont et ses installations tech­niques. Bien qu'elles missent en jeu toute leur puissance, elles ne progressaient qu'avec lenteur. Par contre, lorsqu'elles redescendaient, à vide, elles étaient impressionnantes. Toutes sorties de l'eau, hautes, ventrues, exposant entièrement leurs carcasses goudronnées, elles glissaient en un gros bouillon­nement tout blanc qui leur faisait comme un panache. Les vagues qu'un tel train soulevait étaient vigoureuses et venaient fouetter les rives en balançant nénuphars, iris jaunes, roseaux et autres plantes. Lorsqu' alors nous nous baignions, c'était un grand plaisir et nous nagions vers elle pour profiter des vagues lorsqu'elles se forment et qu'elles sont au plus fort. Pour quelques secondes, nous étions comme à la mer. Du fait des éclusées communes, il arrivait assez souvent qu'elles soient en convoi et notre plaisir en était décuplé.

Mais c'est le spectacle des péniches halées qui nous aura marqués le plus.

On ne donnait pas d'âge à ces vieilles péniches. Elles se ressemblaient toutes, à peine y en avait-il de plus grosses. Tout en bois, elles étaient plutôt de petite taille, d'un noir usé témoignant de goudronnages anciens. Ce n'était en sorte qu'une grande cale dont les côtés servaient aux déplacements agiles des mariniers. Au milieu se trouvait un abri, écurie des animaux de trait. A l'arrière la cabine d'habitation filait sous le pont où se situait le timon du gouvernail, grosse et longue pièce de bois permettant sa manoeuvre. A l'avant, à peu près au niveau du premier quart montait une sorte de petit mât au sommet duquel s'accrochait la corde ou le câble de halage. Gaffes, cordages, palans et seaux étaient posés ça et là. L'ensemble démontrait une certaine indigence et rares étaient les péniches brillant d'un récent goudronnage ou pré­sentant une cabine vernie, coquette, avec de vraies fenêtres en guise de hublots et agrémentée de jardinières fleuries.

Des mulets attelés par deux les halaient. Selon que l'on remontait ou descendait la rivière, la scène et la peine des animaux étaient bien différentes.

A la descente, tout avait l'air assez facile et les bêtes avançaient d'un pas presque normal, leur tête dodelinant de haut en bas en cadence. Il ne leur suffisait que d'entretenir le mouvement de la péniche entraînée par sa propre inertie et la force du courant.

L'affaire était tout autre lorsqu'il fallait remonter le courant ! Encore, si la péniche était à vide et le courant modéré, les mulets allaient-ils avec une relative facilité. Mais le plus souvent, ils avaient à s'employer durement, guidés par un jeune garçon des mariniers. La lourde péniche fendait l'eau, doucement, silencieusement et sans presque de sillage. Peu à peu le martèlement des sabots des mulets s'éloignait et le convoi passait ainsi, comme hors du temps.

A Bassou, le chemin de halage change de côté et cela imposait aux équipages d'effectuer une manoeuvre assez délicate, surtout à la remonte. Un certain suspense régnait.

Devant chez nous, le charretier détachait l'attelage et envoyait la corde dans l'eau de façon à ce que l'aide du capitaine (il s'agissait le plus souvent de son épouse ou d'un grand fils) la remonte facilement sur le bateau, l'enroulant méticuleusement. Alors, avec ses bêtes il partait en courant pour rejoindre le plus tôt possible l'autre rive. Le circuit représentait plus d'un kilomètre et c'est bien fatigués qu'hommes et bêtes allaient devoir atteler à nouveau la péniche. Pendant ce temps, cette dernière devait, par la seule force de l'homme et contre le courant, gagner elle aussi le point de réattelage. Pour cela le capitaine et son aide utilisaient les gaffes. Il fallait les voir ! Plongeant celles-ci pour prendre appui sur le fond de la rivière, depuis l'avant du bateau et poussant de toutes leurs forces, on les voyait rejoindre l'arrière au fur et à mesure que la péniche avançait. Puis ils repartaient très vite sur l'avant pour recommencer, les deux se coordonnant et c'était à une sorte de ballet que l'on assistait. Ainsi petit à petit, on passait de l'autre côté. Dans ce sens, c'était l'attelage qui attendait le bateau à Bonnard. Dès que la distance le permettait, un marinier lui renvoyait la corde avec beaucoup de précision. On la raccrochait et le convoi repartait sans obstacle jusqu'à Monéteau.

Dans l'autre sens, le chaland porté par le courant parvenait sans peine sur l'autre rive et venait accoster au niveau de chez nous pour attendre son attelage. Il arrivait souvent que le capitaine nous sollicite pour qu'après avoir récupéré la corde qu'il nous avait lancée, nous tirions le bateau vers le bord pour le stopper. Nous étions alors très fiers de dominer une telle masse! Les bêtes reposées, l'ensemble reprenait sa route en silence si ce n'était le martèlement des sabots des mulets.

Lorsque la manoeuvre avait lieu le soir, les bateaux faisaient halte vers chez nous et c'est de loin que nous regardions ces gens aller et venir sur leur bateau car leur réputation n'était pas bonne sauf pour quelques-uns qui passaient par ici régulièrement et avec lesquels nous échan­gions quelques mots. Je crois qu'ils étaient heureux, toujours sur les rivières, voyant se dérouler une carte postale changeante dans leur progression paisible et silencieuse.

Mais c'était déjà la fin de la traction animale et assez souvent c'était un tracteur à moteur qui faisait le travail. Tous identiques, ils ressemblaient plutôt à de petits camions étroits auxquels on aurait enlevé leurs bennes. A la place de celles-ci, se trouvait le dispositif d'attelage du câble qui avait remplacé la corde de toujours.

Les manoeuvres ne différaient pas de celles que faisaient animaux et leur guide, mais tout allait beaucoup plus vite et sans fatigue ... sauf pour les mariniers qui devaient toujours faire en sorte de gagner l'autre rive par leur seule force musculaire. Au martelage des sabots des mulets avait succédé le teuf-teuf du tracteur, si caractéristique de ces moteurs qui tournent très lentement.

Les vieilles péniches qui n'avaient jamais navigué aussi vite - toute proportion gardée - trouvèrent là un moyen de durer encore quelques années, mais elles ne pourraient soutenir longtemps la comparaison avec les grosses auto­motrices et quelques saisons plus tard elles disparaissaient à jamais des scènes de notre vie. Beaucoup finiront leur existence abandonnées ça et là tout au long de la rivière ou dans un bief borgne, tenaces à la pourriture, jusqu'à ce qu'une crue plus forte que les autres, n'engloutisse à jamais leurs carcasses. Lorsque l'on se promène en canoë ou que la rivière est en chômage, on peut apercevoir leurs vestiges presque intacts, le bois ne se détériorant pas dans l'eau. Elles revivent alors un instant dans mes pensées de l'Autre Temps jusqu'à ce qu'un beau banc de nénuphars ou l'envol majestueux d'un grand héron me ramène agréablement à la réalité.

 

Jean-Guy BEGUE
L’AUTRE TEMPS - Regards d’un enfant sur son village de l’Yonne dans les années 50 -
Edité en 2004


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