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Charny et ses racines

 

- J’ai une surprise pour toi, confie Charles à son père.
- Bonne, j’espère
- Je crois que ça te plaira. J’ai trouvé un dossier concernant les origines de Charny. Tu es bien natif de là?
- Oui, on peut voir?
- Bien sûr! Voici le document en question précise le garçon en exhibant une liasse de feuilles un peu chiffonnées et reliées entre-elles par des agrafes rouillées.

Charny située aux confins de la Bourgogne et du Gâtinais était considérée, avant la Révolution, comme faisant partie de la Champagne. Bizarrement, elle était rattachée au bailliage de Troyes. Le bailliage, comme chacun le sait, était avant 1789 l’institution rendant la justice sous la présidence d’un bailli. C’était le tribunal de l’époque.
Jusqu’à la fin du XVC siècle on disait Charny-en-Hurepoix, tout comme le château de Montigny était connu sous le nom de Montigny-en-Ilurepoix. Par contre Dicy et Villefranche, pourtant toutes proches, étaient dénommées “en Gâtinais”, ainsi que Grandchamp et Villiers-St-Benoit. L’appartenance à la juridiction de l’Aube découlait de la volonté des justiciables, l’administration ne participait à la désignation du bailliage que pour l’enquête précédant l’installation. Le choix en incombait uniquement aux administrés.
Avant 1789 les appels au bailliage de Troyes se faisaient de La Ferté et non de Charny qui était nettement moins peuplée.
Précédemment, à titre transitoire, le village de Charny dépendait du bailliage d’Orléans, tout en étant régi par la coutume de Lorris.
Un antagonisme aux origines obscures, datant doute de rivalités tribales, opposait les Charnycois et bien d’autres à Auxerre, leur faisant adopter Troyes ou Orléans pour la conclusion de leurs affaires. C’est la raison pour laquelle il est inutile que les gens de la région aillent rechercher au chef-lieu actuel, l’origine de leurs lointains ancêtres.
Sur le plan architectural Charny a connu des périodes difficiles, avec les différents sièges afférents à la guerre de cent ans mais aussi à la suite du terrible incendie du samedi 24 juillet 1706 qui détruisit les trois-quarts du village. La première pierre de l’église actuelle ne fut posée que 29 ans après le sinistre c’est-à-dire en 1735 et terminée en 1737. Cependant le bourg existait bien avant cette époque douloureuse.
On retrouve en effet dans un texte de l’abbaye des Echarlis datant de 1130 une information relative au nom du village: c’était Caarnetum puis Catarnetum. L’élaboration possible de cette appellation dérivant probablement de Castra Alnetum (château de l’Aulnaie).
Le site du village était situé dans un lieu humide en leger contrebas de la rivière. On évalue le remblai actuel à environ 70 centimètres. Le passage de la rivière s’effectuait à hauteur de Ponnessant. Les secteurs humides de la vallée de l’Ouanne ont reçu cette terminaison synonymes de leur état comme le château de l’Aulnaie, la Motte aux Aulnaies et Launay, devenue Chantereine, avec certes, des orthographes différentes mais ayant la même origine, Alnétum, (L’aulnaie).
La région est déjà peuplée au VIème siècle: Villiers-Saint-Benoit un peu plus tardivement Grandchamp en 638, Villefranche au VIIème siècle, Saint-Martin-Sur-Ouanne et Ponnessant au IXème siècle.
Quelques domaines sont érigés sur les coteaux et la plaine est défrichée. Frécambault, Cocico et Villiers d’Amont voient le jour, tous trois sont d’essence carolingienne.
Frécambault est dérivé de friccan: l’homme libre, Cocico de la cour de sicaud: de Sigwald (celui qui obéit à la victoire), Villiers-d’Amont appelée Villa Emonis au moyen-âge viendrait de mund (foyer) et haim devenu hameau.
Le gué de l’Ecrevisse servait de réserve au seigneur du château de la Motte-aux-Aulnaies. Ce sont les Francs qui introduisirent les écrevisses en Gaule.
La région recelait en son sol du fer exploité à ciel ouvert. C’étaient les ferriers, minerai de piètre qualité, et ce n’était pas l’âge d’or.
Le centre de ces exploitations se trouvant à Ferrières en Gâtinais, la desserte des différents sites s’effectuait par le chemin des Bœufs qui passait dans notre région. Des Blondeaux à Bois-Ramard, il joignait Douchy par Ronchefer également centre ferrier, comme son nom l’indique. Au quinzième siècle le chemin des Bœufs deviendra la sente des Bourguignons en raison de sa fréquentation par les hordes de Bourguignons alliés des Anglais.
La guerre de cent ans ravagea la région.
Fontaines était un village important situé dans les bois à un kilomètre au nord des Echarlis sur Villefranche. Il fut détruit entièrement par les Anglais et sa population décimée.
La châtellenie de Charny s’étendait aux paroisses adoptant le même système des poids et mesures soit La Motte, Prunoy, Malicorne, Fontenouilles et Saint-Martin. C’était la préfiguration du futur canton. Le seigneur de l’époque Fromond de Charny régentait ce secteur vers 1130, son successeur sera Renaud de Courtenay seigneur de Montargis et de Charny.
Les faubourgs du village comprenaient au nord-ouest une maladrerie située vers le pâtis, c’était l’infirmerie réservée aux malades de la région. On l’appelait la maladrerie Saint-Lazare accessible par la rue Saint-Ladre. Par ailleurs, à partir de 1276 les patients en provenance de l’extérieur étaient dirigés sur l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, car on pouvait toujours redouter qu’ils ne fussent contagieux. Personne ne connaît à Charny quelle fût la position exacte de cet établissement.
Ces deux petits établissements possédaient chacun quinze lits, lIs avaient leur cimetière particulier, leur personnel et des revenus provenant de leurs terres plus une fondation. Leur autonomie financière leur permettait d’assurer gratuitement des soins 360 jours par an. Il y a de cela plus de sept siècles!
L'hôtel-Dieu ne survivra pas à la période des sièges.

Les voies connues étaient la Grande Rue, le grand chemin Charny-Prunoy dont le tracé se situait au sud de la route actuelle au-delà du passage à niveau et la porte aux Grox, probablement au nord du bourg. Il y avait également le chemin du Pont à la Ferté Haute et la porte Becquin.
On ignore la situation géographique exacte de ces divers accès. On remarque seulement que la porte aux Grox peut être traduite par Groes c’est-à-dire graviers ou bien encore Crots, c’est à dire grottes ou souterrains. Si l’on s’arrête à ces conclusions on suppose que cette ouverture sur l’extérieur se situait à l’est du bourg. En effet le village était entouré de fossés et de murailles assurant sa sécurité. La porte Becquin aurait été, quant à elle, une issue ouvrant sur un moulin à tan, donc à l’ouest de la ville.
Les templiers possédaient leur faubourg hors de l’enceinte.
L’entrée ouest du pont était gardée par un château, le Bignon. On appelait Bignon une source importante alimentant un plan d’eau. Le château a disparu mais ses dépendances ont survécu, c’est le Clos actuel. Les deux caves, la basse et la haute, dépendaient de la même demeure féodale.
Les seigneurs de Chêne-Arnoult, les Corquilleroy possédaient également une résidence sur la châtellenie de Charny, le château d’Arrabloy devenu Rablay.

Les templiers exploitant les ferriers possédaient, outre la Commanderie de Chambeugle qui était leur camp de base, des extensions locales à la Grange Rouge de Prunoy et la Grange Rouge de Saint-Martin-sur-Ouanne. La croix rouge, emblème des templiers, apposée sur la porte de la grange est à l’origine de la dénomination de ces lieux.
A la Grange Rouge de Prunoy les templiers avaient rasé les bois permettant aux chercheurs de fer d’exploiter le minerai sauf le bois de Marolles, réservé comme futaie pour fournir du bois d’œuvre.
Un chemin, encore existant de nos jours, conduisait de la Grange-Rouge à la forge des Moulins Neufs en passant par Cocico. Les moulins neufs, situés près de la passerelle conduisant aux prés de l’Érable, deviendront par la suite le moulin de la Ville puis l’Ancien Moulin de nos jours.
Le bourg possédait un moulin plus ancien, le moulin de la Gravière.
Les habitations les plus confortables, entourées d’une courtille étaient situées rue Saint-Ladre. Les censives (charges) que les habitant devaient payer à la ville étaient le double de celles réclamées aux demeures plus modestes.

Les Templiers de Chambeugle s’opposèrent dans un procès au seigneur de Prunoy au sujet d’un droit d’usage dans les bois de la Grange Rouge débordant sur Prunoy. Un autre différend intervint entre les mêmes Chevaliers et le curé de Charny au sujet de la perception des dîmes des Cisterciens de Fontaine-Jean.
Au XIIème siècle le passage traditionnel par la Voie Creuse à Ponnessant fut peu à peu délaissé au profit du pont de Malicorne, des Gués et du ravin des Oiseaux pour finalement s’effectuer de façon définitive par Charny et son pont. Les déviations s’effectuèrent alors au bénéfice de Charny. Le passage Sommecaise, Perreux, Ponnessant, entre-autres, sera délaissé par les Templiers et les Cisterciens. Les pèlerins venant de l’est en route pour Compostelle emprunteront le nouvel axe. Le bourg s’allongera en direction du pont et sa population s’agrandira.
Au XIIème siècle un enfant de Charny deviendra archevêque de Sens, il s’agit de Pierre de Charny. Né, en ce village, de parents modestes le futur prélat devint sur recommandation des seigneurs de Courtenay, précepteur des enfants d’une famille seigneuriale de Montereau: les Cornut. Le frère aîné de ses élèves fut nommé peu après archevêque de Sens et intercéda auprès du pape Urbain lV (un Français originaire de Troyes) en faveur de son protégé. Le pape en fit son camérier et, satisfait, le sacra archevêque à Rome en 1267 pour remplacer son bienfaiteur, l’archevêque de Sens, parvenu à la retraite. Nanti d’une lettre de recommandation pour Saint-Louis, le nouveau nominé revint à Sens avec le pallium offert par le pape pour constater la chute de la plus belle tour de la cathédrale qui s’était écrasée sur le palais archiépiscopal. C’est d’ailleurs lui, qui en ordonnera la reconstruction.
Il est inhumé à l’entrée du chœur de la cathédrale de Sens.
Le nouvel archevêque n’avait pas oublié sa petite patrie. Entre 1267 et 1274 il avait fondé une chapelle Saint-Nicolas en l’église de Charny et l’avait dotée de ressources suffisantes pour l’entretien permanent de deux chapelains. L’accès principal de l’édifice était orienté au sud et sa nef s’allongeait à l’ouest. Chapelle et nef devaient être au nord de l’église, probablement sur l’emplacement de la rue de l’église ou peut-être sur l’emplacement de l’actuel local réservé au bureau de l’aide ménagère.
Un petit cimetière entourait le bâtiment.
Charny devait compter alors près de 2000 habitants.

Aux alentours de 1300 la châtelaine de Charny, Mathilde Mahaut d’Artois entretenait un bailli, Thomas Brandon, ainsi qu’un prévôt et des sergents, un garde du scel, deux notaires et des tabellions. (Le prévôt équivaut à notre chef de brigade, les sergents aux gendarmes, le garde du scel au secrétaire de mairie et les tabellions aux clercs de notaire).
Le village possédait des halles, son péage et les responsables de ces fonctions étaient affermés tous les deux ans.
Mathilde d’Artois était la petite nièce de Saint-Louis. Demeurant en résidence principale à Arras, elle aimait séjourner dans notre village, auquel elle réservait ses achats. Le mercier local mais aussi le serrurier et plus inattendu, le joaillier s’honoraient de sa clientèle. Elle se fit même confectionner une robe par le tailleur du bourg, alors qu’elle en possédait de bien plus luxueuses.
Du 9 au 12 janvier 1309, elle accueillit le roi Philippe le Bel qui séjourna pour la première fois dans notre ville.

La châtelaine ne badinait pas avec le règlement féodal, l’un de ses vassaux, un Corquilleroy, ayant refusé son tour de garde au château de Charny, elle envoya ses sergents se saisir de son fief qui semble être Troussechien (Tuchien). En 1310, Mahaut d’Artois cédait la châtellenie de Charny ainsi que celle de la Motte de Châteaurenard à Philippe le Bel lequel revint dans notre localité en janvier 1312. En 1316, la ville revenait par donation à Jean de Beaumont, seigneur de Sainte-Geneviève des Bois près de Châtillon. Ce Jean de Beaumont avait été maître d’hôtel des rois Louis X, Philippe V et Philippe VI, c’est à dire qu’il était gardien des châteaux royaux.
En janvier 1332, il recevait à Charny le roi Philippe VI de Valois, ce sera le deuxième et dernier monarque à honorer notre cité de sa présence. Lors de cette royale visite 3000 personnes accompagnaient Sa Majesté, elles furent sans doute logées dans les châteaux environnants. Performance impensable pour le Charny actuel.
En 1320, le châtelain était convoqué pour un projet de croisade.
La châtellenie sera saisie en 1329 à la suite d’une accusation d’assassinat portée contre son fils, Pierre. Ce qui n’empêchera pas ce dernier de succéder à son père après acquittement et récupération de ses biens en 1337 au début de la guerre de cent ans.
La peste noire réduira la population d’un tiers en 1349 et 1350. Près de six cents villageois périront à Charny. A Douchy toute activité cessera à la suite de cette épidémie. A Saint-Martin-sur-Ouanne on sera obligé de créer un nouveau cimetière au centre duquel sera érigée plus tard la chapelle Notre-Dame de Pitié. (voir Ciel de Puisaye page 119).
En 1367, le nouveau seigneur échangea sa châtellenie en raison d’un autre crime, commis cette fois par un cousin, ce qui entraîna sa disgrâce. Il garda toutefois Frécambault. Charny était prospère, possédant son moulin à tan à la Gravière mais aussi des dizaines de foulons. (les travailleurs écorçant les chênes, appelés écorciers ont d’ailleurs laissé leur nom à la ferme des Corciers).
La guerre de cent ans apporta la désolation avec l’arrivée du sanguinaire capitaine anglais Robert Knolles (Toussaint 1358, début avril 1359). L’envahisseur avait le soutien de seigneurs fidèles à Charles de Navarre, rallié aux Anglais.
Contrairement à ce que l’on a pu dire et écrire à ce sujet, la place forte de Malicorne tomba par traîtrise. Pour se faire ouvrir la porte, Knolles s’était recommandé de la maîtresse des lieux, Marguerite de Courtenay disciple des dissidents, en résidence à Saint-Vérain dans la Nièvre. Les défenseurs baissèrent le pont-levis en toute confiance et se firent massacrer en dépit de leur tardive résistance.
Malicorne qui comptait alors plus de 850 habitants était plus peuplée que Saint-Martin. Maltraités, les survivants du village se réfugièrent au château de Courfault à Douchy et à Charny à l’abri des remparts. Knolles mit à profit la neutralité coupable d’Arnaud de Cervolles, dit l’Archiprêtre, pour occuper et piller toute la région et même Auxerre.
Les Charnycois passèrent un trimestre pénible, en plein hiver avec des tueurs sous leurs murs. Mais le seigneur du lieu, Pierre de Beaumont, sut organiser la résistance au point d’impressionner l’adversaire qui ne tenta aucune attaque d’envergure. L’ennemi ne donnait en général l’assaut que si le butin espéré était assez conséquent pour motiver ses hommes.
En un trimestre, le sinistre Anglais fit plus de ravage dans la population que l’épidémie de peste dix ans auparavant.
Une paroisse, Beilleu près de Champignelles est rayée à tout jamais de la carte, son site même nous reste inconnu. Cleye, en aval de Marchais-Beton connaît le même sort. Quand Knolles abandonne son repaire de la motte de Malicorne au mois d’avril, il ne laisse derrière lui que des ruines. Au passage, il détruit Fontaine-Jean et la vieille ville de Châtillon. Quand il arrive à Châteauneuf-sur-Loire sa trace immonde a marqué son itinéraire. Nos ancêtres dénommèrent cette funeste voie le Chemin des Normands.
Le roi Charles V proclame la forfaiture de Marguerite de Courtenay et lui retire ce qui reste de la seigneurie de Malicorne pour en faire don au maître de Charny (1360).
Le seigneur de Charny, Pierre de Beaumont et sa femme Jacqueline Le Bouteillier, paieront de leur personne et de leurs deniers la restauration des hameaux. Ils vendront même leur manoir d’Egreneuille au coeur de la Brie pour subvenir aux dépenses.
Trente ans après, la région encore exsangue, la campagne en friches et même en broussailles, n’avait toujours point retrouvé son aspect primitif. Les deux tiers de la population avait fuit ou péri.
Et la guerre, celle de cent ans, continua. Des combats épisodiques ensanglantèrent la région pendant une génération.
Le premier mars 1367, le roi Charles VII intervint pour que s’effectue un échange de propriété entre le seigneur de Charny et Bureau, sire de la Rivière. Aux termes de cet accord, la châtellenie de Charny et tous les biens y afférents, fiefs et arrière-fiefs, haute justice, moulins, eaux, rivière, garenne, vignes, droit de mainmorte et de formariage, corvées; etc... furent remis à de la Rivière... H remit en échange le fort d’Angerville et de la châtellenie de Orez en Gâtinais.
Bureau, c’est son prénom, était premier chambellan du roi et devint rapidement l’un des principaux ministres de Charles V. II était l’égal sur le plan civil de ce qu’était Duguesclin sur le plan militaire.
Le nouveau seigneur, protégé du roi, homme d’âge mûr avait pour épouse une enfant de quinze ans.
Quand Charles V mourut, Charles VI n’était encore qu’un enfant et c’est De La Rivière qui fut désigné pour assurer la régence pendant la minorité du souverain.
Charny peut donc s’enorgueillir d’avoir hébergé un temps le maître de la France. Devenu majeur, le jeune roi confirma Bureau dans ses fonctions. C’est donc à l’instigation de ce dernier que le premier novembre 1387 fut convoqué à Malicorne le ban destiné à concevoir une possible invasion de l’Angleterre. Le lieu de cette réunion des vassaux du roi se voulait être un symbole en hommage à la cité martyre.
Lorsque Charles VI sombra dans la folie en 1392, sa cour malade de jalousie fit emprisonner le seigneur de Charny. Mais Bureau de la Rivière était si efficace dans ses fonctions qu’il fut rapidement libéré et réintégré à son poste.
Lorsqu’il mourut le 16 août 1400, le roi, dans l’un de ses rares moments de lucidité, exigea qu’il soit enterré à Saint-Denis près de Charles V.
De ses quatre enfants, l’aîné, Charles, filleul de Charles V, reçut en partage la seigneurie de Charny.
Nous savons qu’à cette date Charny possédait une école. Le maître, pour des raisons qui nous sont inconnues, sera assassiné.
Dans leurs terres en friches, les paysans, avant de reprendre une mise en culture difficile en raison du manque de bras, multiplièrent les ruchers. On découvre là l’origine du miel du Gâtinais. La cire était acceptée comme moyen de paiement au même titre que la monnaie.
En 1421, les Anglais emmenés par leur roi effectuèrent le raid le plus destructeur de toute la guerre, faisant la terre brûlée sur leur passage, de Nogent-sur-Vernisson à Sens en passant par Douchy. Charny avait alors senti le frisson de l’angoisse, le désastre était passé bien près.
En 1424, Anglais et Bourguignons infligèrent une sévère défaite aux troupes du Dauphin. Les Bourguignons prirent Toucy et brûlèrent une partie de la population dans l’église. C’est à cette époque que le chemin des Bœufs deviendra sente des Bourguignons. Les Dauphinois en état d’infériorité pratiquaient avec succès le harcèlement de l’ennemi par attaques rapides, évitant l’affrontement de forces importantes. Ils avaient inventé la guérilla.
Le seigneur de Châtillon et de Saint-Maurice-sur-Aveyron dont les terres s’étendaient jusqu’à Briare s’opposait aux troupes royales en raison de ses origines bourguignonnes. C’est pourquoi les offensives des forces loyalistes partaient de Chateaurenard. Ces troupes transitaient par Charny dont le gouverneur militaire, Durand des Barres, parent du seigneur de Hautefeuile, avait également la responsabilité des affaires militaires de Châteaurenard.
Les seigneurs fidèles au Dauphin, épaulés par les Dauphinois et les Armagnacs portaient des coups à l’ennemi Bourguignon, à partir de la base avancée de SaintMaurice-Thizouaille. Ces coups de mains les conduisirent jusqu’à Avallon et même en Auxois. L’adversaire qui ne restait pas sans réagir, ayant testé la fiabilité des défenses de Châteaurenard et de Saint-Maurice-Thizouaille, reportait ses efforts sur Charny porte de la Bourgogne.
De 1422 à 1427 Charny changera six fois de mains.
En 1425 Guillaume de La Baume, capitaine de Châteaurenard et de Charny qui opérait en Auxerrois est fait prisonnier. Il obtient sa libération en promettant de livrer Charny. Mais les otages retenus dans une tour de Sens en caution de ce marché, s’étant évadés. De La Baume, libéré de ce souci, refuse de livrer la ville. On le retrouve en 1426, avec ses soldats couverts de peaux de loups, pourchassant les Bourguignons en Auxerrois. Furieux, l’ennemi s’empare de Charny et y place une garnison.
En 1427, durant l’été, les Anglais assiègent vainement Montargis. Les gens du Dauphin prennent Douchy puis Chevillon et par une allée forestière connue d’eux seuls gagnent Sommecaise. En janvier 1428 la garnison de Châteaurenard s’empare du messager du duc de Bourgogne. Sur sa lancée Durand de Barres reprend Charny au mois d’avril.
Les Bourguignons qui ont une troupe importante à Joigny reviennent à l’assaut, dévastant Chevillon au passage qui sera anéantie pour 60 ans. Le 10 mai Charny tombe, alors que la compagnie de Châteaurenard, commandée par Alain Giron, guerroie du côté de Tonnerre. La situation est désespérée pour Charny et sa région. Pendant ce temps les Anglais assiègent Orléans. On est fin février 1429. De Charny à la Loire tout est aux mains des bourguignons.
Une petite troupe de cavaliers guidée par Colet de Vienne dont la famille a donné son nom au château de Prunoy, progresse discrètement d’est en ouest. Parmi les cavaliers se trouve une toute jeune fille se nommant Jeanne d’Arc. Venant d’Auxerre le groupe passe par Sommecaise, La Ferté Loupière, Chevillon en empruntant des allées forestières hors de vue des postes Bourguignons. Nous ne parlerons pas de Saint-Romain-le-Preux et Sépeaux entièrement détruites et dont il ne reste que des ruines fumantes.
La garnison de Châteaurenard composée de nombreux bretons reprend Charny aux Anglais.
Surienne l’Argonnais venu du sud de l’Auxerrois à la tête d’une forte troupe s’empare du château de Montargis et de la ville en juin 1433. De cette tête de pont il lance des attaques éclairs dans toutes les directions, copiant la tactique adoptée par Armagnacs et Dauphinois lorsqu’ils étaient en infériorité numérique. L’un de ses subordonnés, Thomassin Duquesne surprend la garnison de Charny et s’empare de la ville qu’il remet aux Anglais.
Mais le venta tourné, désormais les Français sont les plus forts. En juillet 1437, l’armée du connétable de Richemont investit Charny qui sera définitivement libérée. Les Anglais qui se rendent sans combattre sont autorisés à rejoindre le gros de leurs forces avec armes et bagages.
En 1438 la famine décime la population charnycoise déjà bien réduite.
Un inventaire établi en 1423 en vue de la succession du seigneur Charles de La Rivière révèle l’état de délabrement du bourg de Charny.
Du château, il ne reste que des pans de mur, les murailles sont éventrées. Toutes les maisons sont détruites, y compris le Bignon (Le Clos), les terres sont envahies par les ronces. Les moulins, la tannerie, les fermes sont rasées. Du village, il ne reste qu’une vacherie et la maladrerie mais pas une seule âme qui vive. C’est un champ de ruines. Les survivants se sont réfugiés à l’abri des murailles de Champignelles, de Châteaurenard et même de Courtenay. La Motte aux Aulnaies est également rayée de la carte.
Les premiers habitants ne reviennent que quelques décennies plus tard et le premier notable connu Guillaume Ramard sera enterré à Charny en 1471, soit 34 ans après la dernière libération de la bourgade.
Pendant un demi-siècle Charny ne sera qu’un hameau et Marchais-Beton, Fontenouilles, Sommecaise seront hélas à la même enseigne. Il faudra attendre 1495, 1500 pour que ces villages renaissent de leurs cendres.

Le drapier Jacques Coeur, argentier de Charles VII et donc ministre des finances de l’époque s’intéressait aux domaines en ruines, Il les achetait à vil prix et tout paysan s’installant pour défricher le sol redonnait une valeur au bien acquis sans qu’il en coûta un denier au seigneur.
L’illustre financier avait spéculé un peu prématurément. Arrêté sur ordre de Charles VII, Jacques Cœur ne profitera pas des plus-values. Accusé par le roi des écorcheurs, Antoine de Chabannes, de diverses malversations, entre autres d’une tentative d’empoisonnement d’Agnès Sorel, il sera emprisonné et son accusateur se verra attribuer la châtellenie de Charny en 1454.
Jacques Cœur s’évada après trois années de détention et se réfugia auprès du pape.
Lorsque Charles Vil mourut, son fils Louis XI fit arrêter à son tour De Chabannes et redonna à Geoffroy, fils de Jacques Cœur les biens saisis.
Cependant après maintes tribulations, plus invraisemblables les unes que les autres, la famille Cœur fut dépossédée une nouvelle fois et de Chabannes qui s’était échappé de la prison récupérait Charny.
Assagi, le nouveau propriétaire fait construire le château de Saint-Fargeau en 1467 et participe à la restauration du bourg. En 1485, il entreprend la reconstruction de Charny qui en a bien besoin, le village étant resté inhabité pendant un demi siècle ne compte plus alors que 200 habitants.
Les maîtres successifs de la châtellenie s’emploient activement à la renaissance du village. Pierre de Gouzolles, seigneur de la Gruerie et du Clos (nouveau nom du Bignon), bailli de Saint-Maurice et Charny mène à bien cette tâche de 1490 à 1525.
A cette époque, la famille de Montigny prend possession du château de Ferreux auquel elle laissera son nom.

En janvier 1541, François 1er érige les châtellenies de Saint-Fargeau et de Charny en comté au profit de Nicolas d’Anjou.
Les nouveaux maîtres se font appeler seigneurs de Saint-Fargeau et de Puisaye au grand dam de Charny qui voit en outre son château délaissé.
En 1539, François 1er effectuant dans la région un voyage itinérant aux multiples détours évite manifestement Charny, qu’il trouve probablement indigne d’abriter sa précieuse personne.
Charny vit un peu à l’ombre de Saint-Fargeau jusqu’à la mort d’Henri de Montpensier grand-père de la grande Demoiselle, nièce de Louis XIII. Cette dernière avait un demi-frère né d’une union adultère. La grande demoiselle sollicita et obtint de son cousin le roi Louis XIV, la châtellenie de Charny au profit de ce frère qui en prit possession avec le titre de comte de Charny.
Après viennent les Crèvecoeur, les Texier de Hautefeuille.
En 1801 Charny comptait 794 habitants, La Ferté-Loupière 1196, Grandchamp 889, Perreux 816, Villefranche 825 et Saint-Martin 746.


- Voilà papa, c’est terminé.
- Mais c’est très bien, mon fils, je ne te savais pas si féru d’histoire.
- Je n’ai aucun mérite, j’ai simplement feuilleté les travaux de quelques contemporains qui eux se sont véritablement plongés dans des investigations longues et parfois fastidieuses.
- Et qui sont-ils?
- Monsieur Paul Gache de Châteaurenard qui a fait de nombreuses conférences sur ce sujet et dont presque tous les foyers possèdent un compte-rendu. Mais aussi madame Henriette Vigreux et monsieur Jean Gabin anciens enseignants à Charny qui ont écrit à diverses reprises sur ce sujet. J’ai volé un peu les travaux de ceux qui se sont penchés sur nos origines et ont développé à travers leurs écrits le résultat de leurs recherches. Parmi eux, n’oublions pas la regrettée mademoiselle Hénault, passionnée d’histoire locale.

La famille Simon toujours unie, mène de nos jours une existence paisible dans un petit village blotti au pied d’un vallon égaré au cœur de la Puisaye.
Octave et Léontine sont bien âgés maintenant, mais leur esprit est toujours vif et le grand-père garde l’œil plein de malice, son cœur ne lui cause plus aucun souci.
Edmond et Yvonne pensent à la retraite. Ils espèrent pouvoir dès lors s’adonner pleinement leur passion. Peut- être qu’un jour prochain ils reviendront nous conter le résultat de nouvelles recherches.
Charles est enseignant. Hélène a un petit copain, elle s’est assagie et sa mère est très fière d’elle, elle sera médecin.
Bertrand et Jean sont toujours camarades. Ils ont renoncé à la terre, mais ils ont gardé l’amour des grands espaces et de la liberté. Le premier est officier des Eaux et Forêts (plus simplement garde forestier). Le second, facteur rural.
Les amis sont toujours les amis et à la table d’Yvonne la
tarte aux poireaux est appréciée.

 

Pierre JEAUNEAU - Yonne, Terre de Passion
Ouvrage édité par l'auteur en Juin 2003


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