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Illustrations Tonnerroises

Ce qu'il y a d'intéressant pour un pays, c’est moins la variété des paysages et le nombre des monuments que la grandeur des souvenirs qui s'y rattachent, car les monuments n'ont le plus souvent d'importance qu'autant que les événements leur prêtent de la valeur.

Après avoir admiré la situation théâtrale de Tonnerre, l'effet pittoresque de ses rues raides et tortueuses, la physionomie particulière de quelques maisons anciennes, la belle façade de l’église Saint-Pierre, la voûte majestueuse de l’église de l’hôpital, les bas-reliefs de l’église de Notre-Dame, le curieux hôtel de la rue de Bernouil et la modeste devise de ses anciens possesseurs, les tombeaux de Louvois et de Marguerite de Bourgogne, la première pensée du visiteur est de rechercher les noms des personnages qui ont donné une consécration à ces lieux qu’ils ont honoré de leur présence.

Malgré l’étonnement que causent la vue de l'église St-Pierre fièrement dressée sur son rocher, et les ruines du château qui dominent le Mont-Veillant, qui s'intéresserait à ces débris d'un autre âge, si l'histoire n'en eût recueilli les annales ? A qui cela ferait-il que la vieille église et le donjon détruit se fussent regardés pendant des siècles dans un silencieux tête-à-tête ? Qu'importeraient ces deux muets témoins, solennels représentants de deux suzerainetés éteintes: l'antique foi, l'antique féodalité! Mais chacune de ces pierres a une date: les pavés, la terre, l'herbe que nous foulons avec indifférence couvrent des sociétés tout entières, des mœurs différentes des nôtres, des hommes oubliés et inconnus, et soit que l'archéologue creuse le sol avec sa pioche, soit que l'historien effleure avec la barbe de sa plume la poussière des parchemins, chacun peut à son point de vue ressusciter les villes, rebâtir les forteresses, donner une vie nouvelle à tous ces personnages qui; ont joué un rôle sur le théâtre de l’humanité.

C'est dans ce château que saint Germain d’Auxerre et Saint Loup de, Troyes venaient dès le commencement du Vè Siècle, visiter le sénateur Hilarius; c'est de là que Saint Ebbon , ennuyé des délices de la cour, partit pour embrasser , dans l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif, Ia discipline des religieux de saint Benoist. Les Miles, les Gui, les Guillaume, les Courtenay, les ChâIons y résidèrent. L'histoire des comtes de Tonnerre a déjà plusieurs fois trouvé place dans des notices spéciales, il ne nous appartient plus de raconter la vie de ces fiers chevaliers si terribles devant l'ennemi, si humbles devant Dieu, qui, après une existence agitées mouraient sous le froc du moine, et dont les ossements reposent encore sous les ruines de ces sanctuaires qu’ils ont édifiés !

Dans toutes les, contrées on voit se former, s’établir cette prépondérance d'un endroit sur les autres et qui est destiné à en devenir pour ainsi dire le centre de gravité. C'est auprès de cette fontaine, c'est auprès de la fosse Dionne, source sacrée (Divona), que l'antique Tornodorum a pris naissance. Le poète Ausonne, qui vivait au IVè siècle, nous a pieusement conservé l'étymologie de ce nom :

« Divona Celtarum linguà fons addite Divis. »

Il n'y a pas encore longtemps que l'on faisait dériver Dionne de Dyonisius(Bacchus); mais c'est un barbarisme: l'offrande d'une fontaine au dieu du vin devait être peu agréable à ce dernier; ses adorateurs s'y fussent pris autrement pour mériter ses faveurs.

Si vous laissez errer votre imagination dans la nuit des temps, où l'historien ose à peine s'aventurer, la fosse Dîonne ne vous apparaîtra pas, comme aujourd’hui, entourée de hautes maisons; la vallée de l’Armançon n'est pas encore couverte de moissons et les raisins ne mûrissent pas sur les coteaux d'Epineuil, mais dans les plaines sillonnées maintenant par la fumée du rail-way, vous pouvez voir les chênes séculaires dont les cimes se mirent dans les eaux de la rivière. Voici venir les Celtes. Vous apercevez la dernière Velléda traversant d’un pas furtif le bois sacré et emportant dans son cœur les principes d'une religion qui ne doit point s'écrire. Voyez-vous briller à travers la feuillée les épées et les casques romains? Ce sont les légionnaires qui poursuivent les sectateurs du druidisme. Encore quelques années, et les chrétiens vont surgir en foule; ils s'élancent du midi plus puissants que les Sicambres, et tout à l'heure le signe de la rédemption remplacera les aigles qui ont conquis l'univers ! Une église est déjà construite et à côté le donjon élève son front menaçant; ici on règne par la violence, là on domine par la persuasion.

Ainsi, les premiers habitants sont d'abord venus boire, l'eau de la source sacrée, tranquilles et confiants dans l'avenir, puis ils ont cherché un refuge sur le sommet de la montagne, pour se soustraire aux barbares et aux révolutions ; ils redescendent maintenant à la voix de la tolérance et de la civilisation.

Il ne, reste plus maintenant vestige du Palais, situé près de l’hôpital, où une pieuse reine a caché vingt années de bienfaisance et de vertus. Le roi d'Angleterre, Edouard III, séjourna deux mois dans ce château, la comtesse de Chalons y tint, en 1338, ses grands jours de baronnie ; les comtes de Tonnerre vinrent s'y fixer après la destruction de la citadelle, et c'est là que François Ier reçut les ambassadeurs de Charles-quint pendant les fêtes de Pâques de l'année 1542.

Faut-il vous rappeler les ravages des Normands au Xe siècle, leur défaite dans les plaines d’Argenteuil par Richard le justicier, les infortunes de Jean de Chalon, fait prisonnier à la bataille de Poitiers, les ravages des Anglais en 1360, le pillage et l’incendie des faubourgs, la misère des habitants, la famine qui les obligea de mettre en gage l’argenterie des églises et les vases sacrés ? Faut-il rappeler les horribles fléaux qui suivirent, le départ de Jean de Chalon en Espagne lorsqu’il conduisit avec Duguesclin les grandes compagnies qui avaient commis dans nos pays de si affreux désastres?

Avec le quinzième siècle commencèrent de nouvelles luttes: cette fois c'est le vassal qui se révolte contre le seigneur suzerain. Jean de Chalon séduit la demoiselle Périlleux, fille d’honneur de la duchesse de Bourgogne, l'enlève à main armée dans le palais ducal et la cache avec sa mère dans le château de Maulne. De sanglantes représailles sont ordonnées contre le téméraire ravisseur, et cette guerre acharnée se termine par la destruction totale du château féodal des comtes de Tonnerre (1 414).

Les discordes des Bourguignons et des Armagnacs mettent le comble à la misère (les habitants et des laboureurs; la population est décimée, les fléaux et la peste achèvent ceux que la guerre a épargnés; en 1433, trois cents cadavres gisaient sans sépulture entre Dannemoine et Tonnerre; les moines de Saint-Michel permirent de les enterrer dans le cimetière de l'hôpital.

Un siècle suffit à peine à réparer ces malheurs et déjà l'on voit surgir les guerres de religion et de la ligue. Tonnerre devait se repentir d'avoir dans son voisinage les chefs du parti protestant. Condé possédait Noyers, les Coligny et d'Andelot résidaient à Tanlay. En 1568, la ville fut prise par l'armée du prince de Condé et capitula moyennant la somme de 5 000 livres. La peste, escorte obligée de ces événements désastreux, termine cette campagne. (…)

 

Ernest PETIT
Almanach Historique et Statistique  de l'Yonne  -  Édité  en 1863


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