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SUR QUELQUES FONTAINES DE PUISAYE

CULTES ET LEGENDES
AU DEBUT DU XIXe SIECLE


La fontaine de Sementron

(Photo Claude RICHARD)

 

D’après le manuscrit de Paultre des Ormes

 
SOMMAIRE :
1 - Qui était Paultre des Ormes ?

2 - La fontaine des Merles, son intérêt archéologique.

3 - La fontaine de Coulon et sa légende.

4 - Sementron : La fontaine Sainte-Geneviève...

5 - Histoire et légende aux sources du Loing

6 - La fontaine de Saint-Marien à Fontenoy

7 - A Saint-Bonnet, une source, un saint, une cloche

 

8 - La fontaine Saint-Prix à Saints-en-Puisaye

9 - Moutiers, son monastère et ses deux fontaines

10 - Sainte-Langueur de Boutissaint

11 - La fontaine de Bléneau ou des Pinchauds

12 - Un curiste aux Pinchauds aux environs de 1830

13 - Quelques remarques

14 - Références du texte

 


… Qui était Paultre des Ormes ?

La famille Paultre, originaire de Saint-Amand, vint se fixer à Saint-Sauveur vers 1560 où certains de ses membres remplirent diverses fonctions administratives avant 1789. Vathaire de Guerchy nous conte son histoire dans l' « Histoire de Saint-Sauveur » publiée dans le B.S.S.Y. de 1937. Notre auteur, né en 1775 s'engagea dans l'artillerie le 23 septembre 1793 et fut nommé capitaine à l'armée du Rhin en 1795. En 1799, il était aide de camp du général Kléber à l'armée d'Egypte, mais fut gravement blessé en 1800, deux jours après sa nomination au grade de chef d'escadron. Ses deux frères firent de brillantes carrières. L'un, Paultre de la Mothe, participa aux guerres de la Révolution et de l'Empire, se rallia à la Restauration et prit sa retraite comme général de division. L'autre, Paultre de la Vernée, fut maire de Saint-Sauveur de 1802 à 1814, conseiller général de 1803 à 1814, député de l'Yonne pendant les Cent-jours et conseiller d'arrondissement de 1823 à 1842. Leur sœur avait épousé Longpérier qui termina sa carrière comme conservateur du musée du Louvre. C'est donc dans un milieu bourgeois, rallié à la Restauration, après une participation active à la vie politique sous la Révolution et sous l'Empire, mais toujours hostile à la religion chrétienne, que vécut notre auteur, après avoir été admis à la retraite en 1802 avec le grade de lieutenant-colonel.

Le travail n'était pas une nécessité pour ce jeune retraité de 27 ans, disposant de suffisantes ressources financières, mais, ne pouvant rester inactif. II s'occupa d'histoire et d'archéologie, publia Notice sur la bataille de Fontenoy, Dissertation sur l'ancienne ville de Genabum, La morale primitive en pensées, maximes, proverbes et sentences des Orientaux et fit également graver une carte de Syrie.

Paultre des Ormes, entre 1820 et 1835, parcourut le canton de Saint-Sauveur à la recherche d' « antiquités » qui ne pouvaient être, selon lui, que les restes d'un culte celtique. I1 nota tout ce qui lui parut intéressant : buttes tumulaires, mottes, chapelles, anciens monastères, ruines diverses, sources et fontaines. Malheureusement, toutes ses observations et en particulier celles de 1835, sont présentées en désordre avec de nombreuses digressions sur les sujets les plus divers mais se rapportant tous à l'Antiquité ou au Moyen Age. II évoque les Scythes, les Sarmates, les monnaies anciennes, les hiéroglyphes, la langue celte, Delphes, les constructions cyclopéennes, la Syrie, le culte de la Madeleine, la vie de Jésus, les Danois, la conquête de l'Angleterre, tout en nous présentant les villes les plus anciennes de la vallée de la Loire.

Une présentation aussi confuse, pourrait nous faire douter de la valeur des documents. Mais notre officier en retraite, définit en 1820 sa méthode de travail qui nous incite à une lecture plus attentive des textes. Il faut, dit-il, rechercher tous les documents et recueillir tous les témoignages en en conservant si possible le style. Les principes ainsi définis seront toujours respectés, comme sera maintenue une nette distinction entre ce qu'on lui a dit et ce qu'il a vu. D'ailleurs Maximilien Quantin, au congrès scientifique de 1858, traitant de la voie romaine d'Auxerre à Entrains, rendait hommage au travail de Paultre des Ormes sur ce sujet et souhaitait que le manuscrit détenu par la famille soit enfin publié. A plusieurs reprises, dans le Dictionnaire archéologique il fait référence aux cahiers, objet de cette étude.

Beaucoup de sources et fontaines ne présentent pas, d'après l'auteur de particularités intéressantes. On n'y trouve ni ruines, ni légendes, ni vertus miraculeuses. Il en est ainsi à Chappe près de Lainsecq, à Villerot et aux Bouteaux près de Sainte-Colombe, à Vé et à Saint-Georges près de Moutiers, bien que Quantin fasse de cette dernière un lieu de pèlerinage.

Il n'y a rien à signaler non plus, aux sources du Branlin, du Ru d'Ingeron, de l'Ouanne, de la Vrille et de l'Aiguillon, ces rivières de la Puisaye.

Pourtant des restes de constructions anciennes se remarquent à Saint-Georges, à Révillon, à Torrailler et Saint-Bon près de Moutiers. Et Paultre des Ormes voit, dans le traditionnel système de captage des sources en Puisaye, les ruines de temples celtiques. Le petit bassin carré d'où sort la source, et le grand bassin rectangulaire en contrebas ne peuvent être selon lui que les témoins d'un culte ancien. Mais la réalité est beaucoup plus simple : la partie carrée fournit l'eau potable et le trop-plein de la source alimente le lavoir-abreuvoir.
Pourtant quelques études sont particulièrement intéressantes.

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La fontaine des Merles, son intérêt archéologique.

La Butte des Merles, à gauche de la route de Saints-en-Puisaye à Fontenoy, avec ses fontaines maintenant à l'abandon, pourrait intéresser les archéologues d'aujourd'hui. Au début du siècle dernier, lors du creusement du sol pour la construction d'une grange deux urnes furent découvertes. L'une, en pierre, fut utilisée après la suppression du fond, comme lucarne dans le mur de la grange, l'autre, en « terre cuite », considérée comme sans intérêt, fut détruite et pourtant elle contenait des cendres et des ossements.
Un peu au-dessous de la grange se trouvent une fontaine enfermée dans une sorte de puits et une mare présentant la particularité d'avoir en son milieu une source sortant d'un tronc d'arbre creux.
Le même type de captage découvert depuis, par un cultivateur, fut malheureusement détruit et le bois transformé au cours des siècles était devenu incombustible. On ne peut, devant ces découvertes, s'empêcher de penser aux captages des Fontaines Salées près de Saint-Père-sous-Vézelay.

 

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La fontaine de Coulon et sa légende.

A Coulon, Paultre des Ormes interrogea les deux femmes les plus anciennes du pays l'une ayant près de quatre-vingts ans, c'est-à-dire qu'elle était née au milieu du XVIIIè siècle. L'aubergiste et sa fille assistaient à l'entretien, chargés de suppléer, l'un et l'autre, à d'éventuelles défaillances de mémoire. Les deux femmes furent indemnisées et on leur offrit « la régalade ». Grâce à elles, l'auteur put transcrire la légende de la fontaine de la Lavandière qui s'écoule un peu au-dessus de Coulon.
Par les belles soirées d'été, on entend souvent le bruit du battoir d'une lavandière qui se prolonge fort avant dans la nuit. On ne voit rien sur les bords de la fontaine, mais certaines personnes prétendent y apercevoir une grande chienne jaune qui disparaît à l'approche des curieux.
Remarquons que la même légende se retrouve à une fontaine du Mont-Saint-Sulpice, près de Brienon, mais la scène se déroule en hiver. Elle a été citée par l'abbé Cornat dans le B.S.S.Y. de 1849.
 

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Sementron : La fontaine Sainte-Geneviève ou comment lutter contre la sécheresse

En période de sécheresse on se rendait à Sementron, à la fontaine Sainte-Geneviève, pour implorer le ciel. La procession, partie de Saint-Sauveur, prenait au passage les habitants de Saints-en Puisaye, marquait un premier arrêt à Saint-Bonnet près de Levis et rejoignait enfin Sementron et sa fontaine. Là, il suffisait qu'une jeune fille vierge, pieds nus, cure la fontaine pour que la pluie tombe dès le lendemain.
Mais l'auteur ne précise pas s'il s'agit de témoignages sur des événements réellement vécus ou de souvenirs de coutumes déjà disparues depuis un certain temps.

 

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Histoire et légende aux sources du Loing

Les sources du Loing, malgré les travaux effectués, sont restées ce qu'elles étaient au début du XVIIIè s., époque, où, d'après la tradition, elles étaient beaucoup plus importantes. Depuis, les modifications apportées, ont réduit le débit et la porte de fer, à la sortie de la fontaine, gêne l'écoulement des eaux qui, de ce fait, tourbillonnent sous terre. L'hiver en particulier on entend un bruit sourd sur l'ensemble du domaine qui n'est, suivant la tradition, que la manifestation des efforts des eaux à la recherche de l'air libre.
On disait encore à l'époque, dans le pays, que la source avait délivré la ville de Montargis assiégée par les Anglais et que depuis, chaque semaine, dans cette ville, une messe était dite en remerciements. Les événements de 1427, quatre siècles plus tard étaient encore présents dans la mémoire populaire.
Les Anglais commandés par le comte de Warvick et le duc de Bedford assiégeaient Montargis. Les troupes françaises du duc de Richemont avaient réussi à reprendre le château, mais la ville demeurait encerclée. II fut décidé d'inonder la vallée en fermant les écluses de la vallée du Loing en aval de la ville et en rompant, en même temps, les digues des étangs de la Puisaye, et en particulier, celle de Moutiers. Une masse d'eau de 12 pieds de hauteur envahit la vallée et 3 000 Anglais, dit-on, périrent noyés. Paultre des Ormes s'efforça de fournir des explications rationnelles en ce qui concerne le débit des sources et plus conforme à la réalité historique quant à l'inondation de la vallée du Loing. L'exploitant du domaine, homme de bon sens, nous dit-il, se rendit à ses explications, mais il n'en fut pas de même pour son épouse qui persista à croire aux récits mystérieux.

 

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La fontaine de Saint-Marien à Fontenoy

Au-dessus de l'église paroissiale de Fontenoy plusieurs sources forment ce que l'on appelle les fontaines de Saint-Marien qui guérissaient autrefois les maladies des hommes et des animaux, mais surtout celles des vaches et des bœufs en souvenir, sans doute, de saint Marien. Mais Paultre des Ormes n'a pu recueillir que la tradition sans pouvoir apporter le moindre témoignage.

 

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A Saint-Bonnet, une source, un saint, une cloche

Proche de Fontenoy, mais sur la paroisse de Levis était le monastère de Saint-Bonnet qui fut vendu comme bien national à la Révolution. La fille du dernier fermier des moines, âgée de quatre-vingts ans, put être interrogée par notre auteur.
La chapelle de Saint-Bonnet se dressait à l'origine près de la fontaine du même nom, en bordure du ru de Fontenoy, le ru des Bourguignons d'autrefois, dans une prairie marécageuse sujette aux inondations. La source existe toujours avec ses deux bassins, l'un carré, l'autre rectangulaire mais son débit semble avoir perdu de son importance.
Pour échapper aux inondations, on avait reconstruit la chapelle, près du monastère, sur le coteau qui domine la prairie.
On allait et on va encore à la fontaine, dit Paultre des Ormes, pour être guéri des fièvres ou de la maladie de la pierre, et de plus, cette eau miraculeuse rendait féconde la femme jusqu'alors stérile.
Le son de la cloche était bénéfique et préservait de l'orage tous les cantons voisins.
Fontaine et chapelle, proches sur le terrain, étaient toutes deux l'objet d'une égale vénération.
Lorsque les habitants de Saint-Sauveur et de Saints, en période de sécheresse, se rendaient en procession à la fontaine Sainte-Geneviève de Sementron, comme il l'a été signalé précédemment ils invoquaient saint Bonnet au passage.
La chapelle qui s'élevait en limite des paroisses de Levis, Lain, Fontenoy et Sementron tomba en ruines avant la Révolution. Les quatre paroisses revendiquèrent alors la statue de saint Bonnet et surtout la cloche si efficace pour écarter les orages. La légende dit qu'au jour prévu pour le transport, les habitants de Lain arrivés les premiers avec un magnifique attelage de quatre chevaux, ne purent malgré tous leurs efforts, faire démarrer leur véhicule après en avoir assuré le chargement. Ceux de Levis, un peu plus tard, se présentèrent avec une modeste voiture attelée de deux vaches chétives. Le chargement à peine terminé, l'attelage prit, sans difficulté, le chemin de levis. Le choix était clair. Le saint, placé sur le grand autel de l'église, continua à opérer ses miracles et la cloche hissée dans le clocher, fit, comme avant, merveille dans la prévention des orages.
Le saint, la cloche et leur culte, furent ainsi transportés de la prairie de Saint-Bonnet à l'église de Levis, mais malgré cette translation, l'eau de la fontaine conserva ses vertus curatives et continua, comme par le passé, d'opérer beaucoup de cures miraculeuses aussi bien sur les enfants que sur les grandes personnes. Le culte de la source, l'emporta sur celui de saint Bonnet et l'on ne pensa plus au saint lorsqu'il ne fut plus à proximité immédiate de la bonne fontaine.
Remarquons que les difficultés rencontrées lors du transport rappellent celles qui obligèrent les habitants de Villiers-Saint-Benoît à rapporter dans sa chapelle la statue de sainte Reine après un essai malheureux de transport dans l'église paroissiale.
Signalons également que la fameuse cloche fut sacrifiée à la Révolution lorsqu'il fallut choisir au moment de la réquisition. Peut-être avait-elle perdu de son efficacité dans les années précédentes! Les habitants lui préférèrent alors l'ancienne à laquelle ils demeuraient sans doute, sentimentalement plus attachés.

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La fontaine Saint-Prix à Saints-en-Puisaye

Sur Saints et sa fontaine, peu de renseignements nous sont apportés. Il est dit simplement que la fontaine Saint-Prix près de l'église paroissiale était, après celle de Saint-Bonnet, une des plus renommées pour son efficacité dans la lutte contre les maladies.
La petite statue équestre de saint Prix, au bord de la fontaine, fut brisée au début de la Révolution pour marquer, sans doute, la fin de siècles de superstitions.

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Moutiers, son monastère et ses deux fontaines

Parmi les nombreuses sources des environs, de l'abbaye de Moutiers, deux seulement, Saint-Cri et Saint-Bon étaient douées de vertus curatives.
A la fontaine de Saint-Cri, autrefois protégée par une grille à l'intérieur de l'abbaye, on portait les enfants qui criaient trop, par suite de dérangements ou de coliques. L'auteur put s'entretenir avec des personnes âgées, témoins de ces pratiques.
La plus célèbre des fontaines, contrairement à ce qu'affirme M. Quantin dans son Dictionnaire archéologique, n'était pas celle de Saint-Georges, mais celle de Saint-Bon, encore visible aujourd'hui prés des ruines de l'abbaye. Une chapelle, dédiée à Saint-Bon, avait été édifiée près de la source et l'on y venait en pèlerinage de tous les environs. On buvait l'eau miraculeuse, on en emportait pour les malades, on trempait le linge dans la fontaine et l'on recherchait la guérison de ses maux en portant une chemise imbibée des eaux curatives. Mais, en même temps, on adressait sa supplique à Saint Bon qui était dans sa niche au-dessus de la fontaine.
Le commerce des eaux de cette fontaine contribua pendant des siècles à la prospérité de l'abbaye qui en avait l'exploitation. Mais la fréquentation des pèlerinages baissa progressivement jusqu'à la destruction du monastère par les reîtres allemands pendant les guerres de religion. Cependant, cette destruction n'éteignit pas entièrement la dévotion des fidèles et l'on continua à venir à la fontaine dans l'espoir d'une guérison. Mal entretenue la chapelle finit par tomber en ruines et la statue du saint fut alors transportée à l'église paroissiale.
La Révolution acheva l'anéantissement du culte de saint Bon à Moutiers. Les biens de l'abbaye furent vendus comme biens nationaux et vers 1810, l'acquéreur, lors de la destruction de la fontaine trouva, dit-on, dans les fondations, beaucoup de pièces d'argent, « ce qui contribua à augmenter sa fortune ».

 

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Sainte-Langueur de Boutissaint

Boutissaint possédait un prieuré, une chapelle dédiée à Notre-Dame et une fontaine miraculeuse appelée Sainte-Langueur. « Dans la vingt-cinquième année du XIXè siècle, constate Paultre des Ormes, le « Vulgaire » s'y rend encore en dévotion pour différentes maladies. On se lave dans la fontaine, on en boit l'eau, on y trempe le linge du malade et l'on s'adresse à une sainte appelée Sainte-Langueur aussi inconnue du calendrier grec que du calendrier romain ».
Les fiévreux, mais surtout les femmes, celles « dont les règles fluaient mal » avaient recours à l'eau de la source. Aucun pèlerinage n'est mentionné.


 

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La fontaine de Bléneau ou des Pinchauds

Paultre des Ormes désigne sous le nom de fontaine de Bléneau, celle appelée « des Pinchauds » par Quantin, Déy et Duranton. Cette fontaine, située à égale distance de Bléneau, de Champcevrais et de Rogny, est, contrairement à celles étudiées jusqu'alors complètement isolée. L'habitation la plus proche du hameau des Pinchauds est à quelques centaines de mètres et l'église de Saint-Eusoge, à deux kilomètres sur l'autre rive du Loing.
Curieusement, au début du XIXè siècle, pour remplacer la fontaine Saint-Bon de Moutiers, la population de la Puisaye choisit cette fontaine, ignorée jusqu'alors, comme nouveau lieu de culte.
On peut s'interroger sur les raisons de ce choix. Déy nous cite deux légendes, pouvant apporter un début d'explication. La première raconte qu'un berger souffrant cruellement d'une « darte vive » au bras, soulagé temporairement par une fervente prière fut définitivement guéri en plongeant son bras dans la fontaine. La seconde rapporte qu'une mère désespérée par l'état de plus en plus grave de son enfant atteint de la « teigne » implora saint Bon dans une fervente prière et obtint la guérison immédiate du petit malade en lui remettant sa coiffe toute mouillée, après l'avoir trempée dans la fontaine.
L'aménagement des lieux était sommaire et, seuls, les abords immédiats de la source étaient protégés sur les quatre côtés par des dallages de pierres carrées. Le bassin, maçonné, d'environ huit pieds carrés de superficie était recouvert -d'un cadre en bois auquel les malades pouvaient se cramponner lors du bain et qui servait d'appui aux accompagnateurs lavant le corps des impotents.
Un « échenet » c'est-à-dire une gouttière, en bois évacuait l'eau dans le Ru de Beaune, un affluent du Loing. A l'époque, des rangées de vernes, comme aujourd'hui bordaient le ruisseau.
Ni sanctuaire, ni chapelle dans ce lieu pourtant voué au culte de saint Bon et de saint Denis, seule une croix de bois fort entaillée par les pèlerins, se dressait à proximité. Les morceaux provenant de cette croix, ainsi recueillis, étaient précieusement conservés, on gardait ces talismans dans sa main pendant les prières et on les portait sur soi pour se protéger des maladies et des infirmités.
On pouvait se rendre à la fontaine un dimanche ordinaire mais c'est à la Pentecôte, à Pâques ou à la Toussaint que l'assistance était la plus nombreuse. Pourtant la participation semble assez limitée et l'on ne signale qu'une vingtaine de personnes à la Pentecôte, un peu moins à la Toussaint avec une majorité de femmes.
On y venait pour toutes sortes de maux : anémie, faiblesse, ulcères, maladies de la peau, mais dans tous les cas il était nécessaire de respecter des rites bien précis.
Si l'on habitait au loin on arrivait la veille à Bléneau où tous les aubergistes pouvaient indiquer le chemin de la fontaine. Mais il fallait être trois au minimum, le respect du nombre impair étant une absolue nécessité. Tôt, le matin, on partait pour la source faire ses dévotions avant de revenir à Bléneau écouter la messe. On faisait dire un évangile moyennant quatre ou cinq sols. Bléneau était le principal lieu de rassemblement mais rien n'interdisait d'écouter la messe à Champcevrais, à Rogny ou à Saint-Privé si l'itinéraire le permettait.
A la fontaine, on buvait la quantité d'eau que l'on voulait, mais il fallait en emporter pour neuf jours c'est-à-dire deux bouteilles. Chaque matin on buvait un verre à jeun, le reste étant jeté après le neuvième jour.
On trempait aussi des chemises, mais on se limitait à une par malade, blanche obligatoirement que l'on faisait sécher sur la haie voisine sans 1a tordre. On l'emportait encore humide et à l'arrivée au logis, on l'endossait pour la porter pendant neuf jours.
On se baignait aussi dans la fontaine, on y trempait les impotents, on y lavait les parties du corps touchées par la maladie et malgré tout, l'eau demeurait pure et potable pendant les diverses opérations, le débit de la source étant suffisant pour entrainer les impuretés.
A chaque voyage, on faisait une neuvaine qui consistait à dire soir et matin, pendant neuf jours, cinq Pater et cinq Ave.
Quand il s'agissait d'un enfant ou d'un impotent intransportable, on envoyait une femme qui trempait dans la fontaine une chemise du malade et rapportait les bouteilles d'eau indispensables pour les dévotions. La méthode demeurait efficace et la démarche était couronnée de succès.

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Un curiste aux Pinchauds aux environs de 1830

Nous ignorons le lieu d’habitation du curiste dont Paultre des Ormes nous conte l'histoire, la banalité du nom ne permettant pas de localiser, même approximativement, l'origine de la famille.
Pierre Breuillé, dans sa vingtième année avait une maladie de peau appelée, tantôt « darte vive » tantôt « éléphantiasis », affectant la cuisse et la jambe, et qui le rendait impotent, en janvier et février, période de grand froid. Toute la peau suppurait et notre malade marchait, courbé, à l'aide de béquilles. Après un traitement médical la maladie, loin de s'atténuer, s'était étendue aux bras, ce qui rendait les déplacements encore plus difficiles. Pourtant la douleur n'était pas très vive, notre patient avait bon appétit et dormait bien.
Les remèdes étant inefficaces, Pierre Breuillé eut recours à la fontaine et fit quatre neuvaines pendant trois ans. La première année il accomplit deux voyages l'un à la Pentecôte, l'autre à la Toussaint, mais se contenta d'un seul, 1e jour de la Pentecôte, les deux années suivantes. A chaque fois, il respectait rigoureusement le rituel en vigueur.
Le dernier voyage fut effectué en voiture, tirée par une jument, en compagnie du frère et du beau-frère, pour respecter la règle du nombre impair. Le malade, tenu sous les bras par ses deux compagnons, fut plongé jusqu'au cou dans la fontaine sans pouvoir en toucher le fond.
Deux ou trois mois après cette dernière neuvaine, Pierre Breuillé abandonna ses béquilles et un an après, il était complètement guéri. La fontaine avait réussi, là où tous les remèdes utilisés avant la première neuvaine avaient échoué.
 

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Quelques remarques

Les notes de Paultre des Ormes qui ne concernent qu'une partie de la Puisaye, nous apprennent qu'au début du XIXè siècle les bonnes fontaines n'étaient plus aussi nombreuses que pourraient nous le faire croire certains articles. Beaucoup de pratiques séculaires avaient déjà disparu avant la Révolution et seule la tradition orale en conservait le souvenir. Quelques fontaines connaissaient encore une certaine fréquentation mais ne donnaient pas lieu à des manifestations publiques. On allait à la fontaine comme on va aujourd'hui chez le médecin généraliste, quitte dans les cas graves ou rebelles à se rendre dans un lieu plus spécialisé. II y avait toujours dévotions à la fontaine et participation aux cérémonies religieuses dans l'église la plus proche, mais aucune procession n'est évoquée et la présence d'un prêtre près de la fontaine n'est jamais signalée.
 

 
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Références du texte:

Sur quelques fontaines de Puisaye.

Cultes et légendes au début du XIXè siècle

D’après le manuscrit de Paultre des Ormes

Par Robert BREUILLER

Edité par l’Association Les Amis de Moutiers

Extrait du tome 118 Année 1986 du bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne

 

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